» En avril 2019, alors qu’il finissait l’installation de son exposition à la Galerie kreo, Notre-Dame brûlait. Cinq ans plus tard, la mythique cathédrale renait. Et c’est ce designer artiste qui a imaginé et sculpté les nouveaux objets liturgiques du monument. Un travail d’exception, qui laissera des traces patrimoniales dans l’histoire de l’art religieux. Du baptistère au calice -en bronze, argent et or- ces joyaux vont resplendir d’une lumière très contemporaine. Ce n’est pas un miracle ! Toute la trajectoire de Guillaume Bardet l’a conduit vers cet autel, avec force et humilité. Lui qui n’a eu de cesse d’entreprendre des travaux au long cours, hors normes: le Mobilier immobile, l’Usages des jours, la Fabrique du présent, dont La Cène.
Parallèlement aux joyaux de Notre-Dame, il présente un nouveau Roman de pièces à la Galerie kreo. Dix-huit œuvres, élaborées en cinq ans, où dialoguent l’histoire en solitaire de cet artiste, un nouvel âge du bronze, le parfum terrien et onirique des choses, dans un monde de frayeurs, chaotique. Dans son atelier de Dieulefit (Drôme), certaines pièces attendaient de prendre leurs formes et âmes finales. Elles se « parlaient», composant la suite d’un journal intime, une « histoire inconsciente » et rebondissante au rythme de l’intranquilité de l’auteur, puis des éclosions finales.
Il faut suivre la Promenade, une lampe à deux jambes, son visage illuminé en bronze miroir poli doré, primesautière, légère. Se poser sur Georges, un banc-parapluie qui pourrait murmurer Brassens, statique comme l’attente ou la rencontre. La Single leg table, masse en lévitation, a jailli des retrouvailles avec des pièces en marbre conçues par Bardet jeune homme à la Villa Médicis. L’Echelle, hybridée à une lampe, est une commande de la Galerie kreo, qu’il s’est appropriée, telle un trait d’union intime entre sa haute bibliothèque d’art personnelle et son fauteuil. Puis il y a les totems, des présences lumineuse. Silencieuses.
Toutes ces pièces, poétiquement fonctionnelles, sont aussi simples formellement qu’elles sont complexes et lentes à fabriquer dans les fonderies. « Le bronze arrête le temps, se réjouit Guillaume Bardet. C’est un matériau qui exprime la puissance, celle de dompter le chaos, de prendre de la distance grâce à l’art.
Chacune des pièces est un support à états d’âme.» Ainsi, pour trouver un point d’équilibre entre robustesse de la matière et fragilité du monde, il joue avec des halos de lumières qui peuvent évoquer l’aurore et le crépuscule, si magiques, si fugaces.
En visitant l’été dernier le musée Soulages de Rodez, face à « l’Outre noir » du peintre, Guillaume Bardet a ressenti, par association, qu’il vivait et créait dans l’Outre Temps. « Je tisse le même fil du temps depuis longtemps : je travaille seul, mes projets sont entremêlés. Dans un Outre Temps qui n’est pas conservateur, mais comme un temps immuable, qui dépasse les temporalités, passé et futur. Un travail différent du design qui s’exprime dans l’ultra présent. » Il s’arrime à cet art millénaire du bronze, il le fait sien, narratif mais pas décoratif. Il n’y a pas de filtre entre son existence et ses créations. Ses références, c’est surtout toute sa vie, des pâleurs aux incandescences. Cette exposition est un nouveau portrait choral du créateur, qui résonnera avec la splendeur de Notre-Dame dès le 7 décembre. »
Anne-Marie Fèvre