À l’heure où fleurissent les propositions pour savoir qui sera digne de rejoindre Condorcet, Gambetta, Voltaire, Marie Curie et Victor Hugo au Panthéon afin d’exalter les valeurs de la nation française – « à ces grands hommes la patrie reconnaissante » –, cette exposition suggère quelques noms : ceux que Marcel Brient, amateur d’art et de poésie, et tous ceux pour qui les notions de génie, de combat et de singularité signifient quelque chose, y verraient à coup sûr...
À l’heure où fleurissent les propositions pour savoir qui sera digne de rejoindre Condorcet, Gambetta, Voltaire, Marie Curie et Victor Hugo au Panthéon afin d’exalter les valeurs de la nation française – « à ces grands hommes la patrie reconnaissante » –, cette exposition suggère quelques noms : ceux que Marcel Brient, amateur d’art et de poésie, et tous ceux pour qui les notions de génie, de combat et de singularité signifient quelque chose, y verraient à coup sûr.
Deux couples : les poètes français Arthur Rimbaud (1854-1891) et Paul Verlaine (1844-1896), les plasticiens américains Felix Gonzalez-Torres (1957-1996) et Ross Laycock (décédé en 1991), qu’un siècle d’histoire littéraire et de création artistique sépare mais que réunit une « épitaphe » empruntée à Stéphane Mallarmé : « ce passant considérable ». Néanmoins, ce « tombeau » provisoire – à envisager comme ce genre littéraire élégiaque exaltant des personnes disparues, en vogue à la fin du XIXe siècle – n’est en aucun cas attristé et inconsolable. Bien au contraire. À son frontispice, claquent les verbes vivre, célébrer et transmettre.
Cette exposition associe deux géants de la poésie mondiale, voyants et buveurs d’absinthe, à deux artistes au destin marqué par le Sida. Le premier, Felix Gonzalez-Torres, demeure cet artiste mythique de la fin du XXe siècle, le second, son compagnon de vie, la source de ses œuvres parmi les plus émouvantes. Elle est un hymne à l’amour, à la vie, à la création et à la mort comme chant d’amour. Un hymne au regard également : celui que chacun d’entre nous, simple mortel, peut poser sur les créations de ces étoiles filantes pour enrichir son quotidien et poursuivre – il le faut – le combat qu’ils ont mené pour la liberté, la générosité et la différence – qu’elle soit sexuelle, politique, identitaire.
Poèmes, manuscrits originaux, photographies et lettres d’une beauté foudroyante d’Arthur Rimbaud, de Paul Verlaine et de leurs proches – dont la Grammaire du jeune Arthur Rimbaud et sa Lettre du Voyant (1871) – dialoguent avec un ensemble d’œuvres et de documents de Felix Gonzalez-Torres – notamment le portrait en bonbons de Marcel Brient qu’il réalisa en 1992.
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Clément Dirié