Pour Ronan & Erwan Bouroullec, le travail de galerie est l’occasion d’une respiration hors du système de contraintes qui façonne leur apport passionné au design industriel.
Leur besoin de démesure raconte la jouissance presque enfantine qu’ils ont ici d’échapper à l’astreinte d’un cahier des charges...
Pour Ronan & Erwan Bouroullec, le travail de galerie est l’occasion d’une respiration hors du système de contraintes qui façonne leur apport passionné au design industriel.
Leur besoin de démesure raconte la jouissance presque enfantine qu’ils ont ici d’échapper à l’astreinte d’un cahier des charges. Par leurs proportions singulières, ces nouvelles pièces s’affranchissent des typologies existantes et des conventions domestiques. Elles s’émancipent des formes définies et définitives.
Les frères Bouroullec naviguent entre connu et inconnu, dans un entre-deux qui laisse néanmoins une grande place à l’usage.
Inquiétante, la longue lampe noire invente un principe de pivotement, qui prend appui sur le plafond. Elle s’anime comme un organisme vivant, sorte d’hydre à trois têtes. Son diamètre exagéré évoque aussi l’imposante taille des lustres vénitiens.
Les tables en polyester moulé, à l’aspect synthétique, sont de grandes formes monolithiques à peine décollées du sol. Blanches et irréelles, elles apparaissent tels des morceaux de banquise en dérive.
Le canapé –peut-on encore le désigner ainsi ?– se résume à une boîte noire, une de ces formes élémentaires qu’affectionnent Ronan et Erwan Bouroullec. Face à son format intrigant (3m x 2m), on hésite devant la nature de l’objet. Meuble ou alcôve ? L’amas de couvertures dissipe le doute sur sa fonction : il s’agit bien d’un lieu de confort, un abri de repli ou de repos, une sorte de parenthèse spatiale.
Tout aussi impressionnant par ses dimensions (4m de large, 2,20 m de haut), le paravent est plus proche du « mur textile » que de la séparation mobile. On se laisse séduire par ces pans de laine à la géométrique irrégulière et surpiquée dont les couleurs s’entrechoquent. Le dessin du châssis en aluminium sur lequel sont « déposées » ces grandes couvertures de laine semble rappeler l’atelier du sellier et son environnement de peaux déployées sur des tréteaux métalliques.
Ces quatre objets ne forment en aucun cas une collection car ils ont été imaginés à des moments différents. En revanche, tous font état de la recherche constante des frères Bouroullec sur la notion de « qualité d’atmosphère ». L’insert du textile en est une réponse. Dans le cas présent, ce dernier est support de couleurs, sous forme de grands aplats monochromes qui évoquent certaines peintures abstraites.
Après avoir exploré, avec la tuile textile Kvadrat, une touche plutôt pointilliste et vibrante, les deux designers expérimentent aujourd’hui le rythme à la fois rigoureux et lyrique des assemblages et des imbrications de formes, associé à l’idée de strates chromatiques. « La couleur, c’est la vie », disait Ettore Sottsass. « La couleur, c’est aussi compliqué que la vie », ironise Ronan Bouroullec. Les deux frères refusent en tout cas d’inventer une quelconque théorie sur le sujet.
Ils apprivoisent la couleur avec méthode, tout en se laissant guider par leur intuition. C’est à chaque fois, réjouissant et prospectif. Leur esthétique y gagne en puissance sensible.