Des mesures ? Oui.
La hauteur de l’étagère s’impose, c’est la mesure de l’homme et sa gesture , ses extensions possibles, tendre le bras, la main ; hors ces dimensions, soit le recours à des problèmes, élévation, escabeau, échelle, soit l’inutilisable. La profondeur de l’étagère est dictée par l’usage : y ranger deux livres tranche contre tranche ou un objet ; une étagère non plaquée contre un mur mais accessible par ses deux faces.
Une étagère bien singulière, un mur de séparation serait plus droit, un élément d’architecture partageant « un espace toujours voyou » (G.Bataille) où l’étagère remplissant ses fonctions tendrait à disparaître, posture également récurrente dans le travail de Martin Szekely. Cet objet vertical nommé étagère encombre visuellement le moins possible et ce jusqu’à disparaître au moment précis où il assure pleinement ses fonctions, poser, ranger, classer livres et objets. L’unité de l’étagère se trouve dans cette addition d’efforts disséminés et démultipliés par les triangles, les pas ou les contrevents devenus également presque invisibles sur l’étagère.
Un resserrement extrême qi signifie et unifie à la fois la posture de Martin Szekely et chacune de ses propositions. Ce resserrement a pour mesure, ici, les limites du matériau utilisé, celles de sa portance comme celles de sa portance comme celles de la stabilité ou de l’équilibre, question de la construction ou de la structure de l’objet, ce par quoi l’objet peut encore assurer sa fonction et ses usages. Un infinitésimal de plus, un infinitésimal de moins et c’est l’effondrement ou l’explosion. Il est possible de remarquer que les objets les plus réussis de ces dernières années sont sans doute ceux qui assurent pleinement leurs fonctions et en viennent à disparaître quand ces mêmes fonctions sont portées à leur plus haute intensité, à leur saturation, à leur complétude.
Autre forme de disparition, venant cette fois du matériau utilisé, notamment pour les rangements, qui se rangent au point où la lumière zénithale à l’intérieur de l’espace, décidément un voyou, rend canailles les meubles qui se dérobent littéralement en disparaissant momentanément, une intermittence qu’une photographie seule peut révéler ou cacher.
Une étagère s’auto-construit, s’auto-génère, s’auto-réfléchit toujours à partir d’elle-même, un élément posé, elle se déploie, s’élève ; elle est en position d’autarcie (principe de construction et de commandement) et d’autonomie (sa loi propre) face à celui qui prétendait s’arroger le droit illusoire de la dessiner. Elle ne peut être que cela et rien d’autre et ce, à l’infinitésimal près ».
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Christian Schlatter