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23 bas-reliefs

26 novembre, 2021 - 04 janvier, 2022

Galerie kreo
24 Cork Street
W1S 3NG - London
Ronan Bouroullec - 23 bas-reliefs

Nous pourrions regarder les bas-reliefs en céramique de Ronan Bouroullec et y voir les traces d’un langage que nous reconnaissons : paysages, objets, horizons. Nous pourrions être tentés de considérer l’œuvre de ’23 bas-reliefs’ comme un alphabet de formes simples, de penser aux pièces de manière « objective ». Mais en tant que tableaux, ces reliefs ne sont pas tout à fait justes : l’un a un bord qui va trop loin, un autre présente un cercle décentré et sur le point de rouler, un autre encore, une masse rose qui pourrait basculer.

Le travail de Ronan Bouroullec est plus fécond si nous l’écoutons à travers un tout nouveau langage. Les langues sont toujours nées de l’argile (on pense aux sceaux cunéiformes) ; il est facile de croire qu’il est en train de développer la sienne. Sa pratique – quelque part à l’intersection entre la peinture, la sculpture et le design – exige de nouveaux verbes, des mots comme « biseauter » et « désintégrer ». (Et il est possible qu’il n’y ait rien de plus beau qu’un bord biseauté : la façon dont ils s’effilent ressemble à une caresse. La façon dont ils se dissolvent sur un fond est à la fois délicate et profondément analogique. Ces effets sont à la fois visuels et tactiles, c’est-à-dire qu’on les voit et on a envie de les toucher).

Les compositions peuvent parler parce qu’elles sont vivantes, les masses de céramique respirent dans une atmosphère métallique, sur une planète insolite mais accueillante.

Les formes se répètent et la palette est cohérente, comme un dialecte. Lorsqu’il y a de légères variations, les œuvres prouvent la règle. Certaines compositions sont répétées et retournées à l’envers. Le processus est aussi intrinsèquement syntaxique : si les œuvres finies ont l’apparence d’une composition précise, elles sont arrangées a posteriori à partir d’éléments formés séparément. Ronan Bouroullec n’assemble les reliefs qu’après la cuisson des éléments individuels ; certains se brisent inévitablement dans le four. Comme les phrases, ses compositions sont des séquences de parties fixes. Comme la poésie, elles sont sujettes au hasard.

Sur une photo prise dans l’atelier de Ronan Bouroullec, on le voit penché sur une table de fortune sur laquelle il a étalé une épaisse plaque d’argile. Il fait sombre, il tient un couteau de cuisine – plus tard, il sera recouvert de résidus du matériau qu’il utilise pour sculpter. À sa gauche, il y a un tas de fines retailles qui ont été coupées de l’ensemble plus grand ; la céramique conserve une sensation de papier dans les œuvres finies. Cela a quelque chose à voir avec la figure et le fond. Les formes en céramique émaillée (marquées de fissures, de bulles et de traces d’outils) contrastent avec la planéité et la netteté de la surface synthétique sur laquelle elles ont été disposées. Le sens du découpage – une composition minutieuse avec des découpes de papier – est plus profond que la similitude superficielle que ces œuvres présentent avec d’autres pièces antérieures.

Ronan Bouroullec a d’autres précurseurs. De nombreux artistes aspirent à de nouveaux alphabets dans l’abstraction, certains partagent un intérêt prononcé pour les formes simples, les opérations aléatoires. Au fond, cependant, cette œuvre réalise un projet plus ancien, le projet suprématiste de Kazimir Malevitch. Dans son manifeste sur le suprématisme, Malevich parle d’un « désert », où rien n’est réel, sauf le sentiment. » Malevich croyait avoir découvert la grammaire de ce monde non-objectif. Ronan Bouroullec l’a redécouverte – et l’a renouvelée pour notre époque. C’est pourquoi ces œuvres semblent avoir une résonance primitive. Elles court- circuitent notre compréhension symbolique, elles murmurent d’autres paysages. Elles nous rappellent que la masse et l’atmosphère sont des formes de plaisir.

Josh Ascherman, November 2021

Images de l'exposition

 - Ronan Bouroullec - .  - Ronan Bouroullec - .

Ronan Bouroullec est un designer et artiste français basé à Paris. Depuis la fin des années 1990, il réalise des pièces de design industriel aux côtés de son frère Erwan pour des entreprises telles que Artek, Alessi, Flos, Hay, Kartell, Ligne Roset, Samsung et Vitra, ainsi que des pièces exceptionnelles en éditions limitées avec la Galerie kreo. En tant qu’artiste, Ronan créé des dessins méticuleux et délicats dans lesquels il répète des séquences de lignes, à la main, avec un pinceau japonais...

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