Cinq ans après Marbles & Clowns, sa dernière exposition personnelle à la Galerie kreo, Pierre Charpin présente Similitude(s), un ensemble de nouvelles pièces aux typologies et matériaux variés. Tables basses et bouts de canapé, vases et miroirs, luminaires et dessins sont assemblés dans une scénographie originale conçue comme une succession de paysages verticaux et horizontaux. Les constantes recherches chromatiques et formelles du designer s’enrichissent d’innovations techniques, conduites au sein d’ateliers français de production. Parmi les pièces phares de l’exposition, les tables basses Translation qui associent métal et pierre de lave émaillée pour créer une marqueterie inédite et vibrante.
Qu’est-ce qu’une forme ? Comment se déploie-t-elle, se regarde-t-elle, s’emploie- t-elle ? Comment, tout simplement, se métamorphose-t-elle ? Comment y répondons-nous, en fonction de ses dimensions, de son dessin, de ses accidents ? Autant de réflexions qui informent continûment la pratique de Pierre Charpin, aussi bien lors de ses collaborations avec des éditeurs de design que dans sa pratique dessinée et ses expériences à la Galerie kreo.
Les sept expositions monographiques qu’il y a présentées depuis 2000 l’ont chaque fois démontré : avec Ignotus Nomen (2011), il greffait aux pièces du vocabulaire domestique (table, banc, étagère) des « formes noires et blanches, énigmatiques et sensuelles qui captent notre attention, aiguisent notre imagination » afin de proposer des objets qui soient des « récepteurs plutôt que des émetteurs de signification ». Pour l’exposition Platform (2006), des tables basses et des miroirs étaient conçus selon une combinatoire de couleurs et d’échelles à partir de formes identiques, chaque fois ré-agencées. Cette pensée de la forme, cette esthétique de l’articulation met en jeu les notions de présence, de série, de justesse, d’intuition et d’émotion pour élaborer un design de recherche qui s’intéresse à la fois aux objets – à leur autonomie, à leurs singularités, à leurs usages spécifiques – et au tout qu’il forme ensemble. Dans un entretien à Marco Romanelli en 2014, Pierre Charpin explicite : « Je crois que je vois les objets avant tout comme des formes, puis seulement comme des objets d’usage avec une fonction explicite. »
Nouvelle étape de ces réflexions, l’exposition Similitude(s) propose un paysage formel animé d’anamorphoses, de rebonds, de mises au point – au sens photographique du terme – et de résonances successives.
À l’entrée de l’exposition, une série de six grands cercles réalisés à l’encre de chine et aux crayons de couleur donnent le ton : remplis à la main, chacun d’entre eux est simultanément l’image du cercle et un cercle à la texture imparfaite. En face, deux figures parallélépipédiques convoquent dans l’exposition, par effet de perspective, la dimension spatiale – sentiment immédiatement renforcé par la découverte des vases Plump, condensés anthropomorphes d’énergie, presque futuristes. Tout objet est une forme et toute forme est en mouvement, grâce à nos regards, nos corps, nos envies et au travail par série que Pierre Charpin affectionne particulièrement.
Dans un second espace, pour les tables Translation, le principe de composition et d’imbrication des formes et des matières est toujours le même, seules changent la morphologie et les couleurs choisies. Avec les miroirs Satellite, il est question de formes et de contre-formes, entre une surface réfléchissante et son encadrement irrégulier, tantôt visible, tantôt caché. Dans ces deux séries, l’espace des contours est finement travaillé, entre ouverture et clôture pour les miroirs – c’est également le cas pour les vases Lunettes –, entre lisse et granuleux, net et flou pour les tables basses.
Dans Similitude(s), l’esprit de géométrie et la recherche des équilibres chromatiques – lesquels peuvent fermer, ouvrir, altérer la forme – donnent naissance à un « minimalisme chaud » : les tables basses, les vases, les suspensions et les miroirs y sont aussi bien des signes dans l’espace que des invitations à l’usage.
Tables basses Translation et Bouts de canapé Fraction : Chacune des tables basses Translation résulte d’opérations combinatoires précises. À l’intérieur d’une forme-cadre élémentaire (un carré, un rectangle), une forme identique est répétée avec une différence sensible : la seconde fois, c’est le bord de la table qui en constitue l’un des côtés. Chacune des formes possède sa propre couleur, mettant ainsi en action le principe de composition par « différence et répétition ». Enfin, l’association de la pierre de lave émaillée et du métal donne naissance à une variété de textures et d’intensités qui crée une marqueterie contrastée où les fines craquelures de l’émail confèrent au plateau une esthétique vibrante, une « peau aux reflets changeants ».
Vases Lunettes : Pur exercice de composition, les vases Lunettes offrent des variations de forme à partir d’un vocabulaire élémentaire : un cylindre, un trou et un rectangle. Ils démontrent qu’un langage formel minimaliste peut être la source de projections ludiques et sensibles. Des lunettes pour contempler la vie des fleurs et observer la vie des formes.
Vases Plump : Avec leurs courbes généreuses et rebondies, les vases Plump proposent un répertoire de silhouettes organiques qui soulignent le goût de Pierre Charpin pour l’étude des zones de contact entre différentes formes. La grande stylisation permise par la noirceur voluptueuse de la faïence émaillée donne l’impression que nous surprenons ces vases en train d’être tournés.
Miroirs Satellite : Les miroirs Satellite présentent un dialogue ludique et rythmé entre l’opaque et le reflet, l’ouvert et le fermé, la forme et sa contre-forme. Ils sont à la fois un centre focal où se regarder et une proposition pour peupler l’espace domestique de formes géométriques monochromes.
Plafonnier Trapeze : Avec leurs différentes combinaisons, les plafonniers Trapeze sont des exercices d’équilibre – et d’équilibriste. L’articulation des sphères noires et des tubes de lumière – dont les ampoules ont été spécifiquement développées – dessinent des mobiles lumineux cadrant l’espace, tout en l’éclairant.
Dessins:Designerreconnu,PierreCharpinestégalementscénographeetdessinateur. Pour Similitude(s), il a pris en charge l’ensemble des paramètres de l’exposition, créant aussi bien les stèles où les vases Lunettes et Plump sont présentés, qu’un ensemble de dessins réalisés sur papier et au mur. Avec ces derniers, il expérimente des effets de texture et de profondeur, de contrastes chromatiques et d’associations formelles.