A quarante deux ans, François Bauchet s’amuse à brouiller les pistes au fil d’un itinéraire qui ressemble étrangement à celui du furet de la chanson : “Il est passé par ici, il repassera par là…”.
Où situer Bauchet sur l’échiquier du design français ? Arty-designer, archi-designer, techno-designer… ?
Qu’importe la réalité tant il est vrai que Bauchet procède de tous ces genres sans appartenir à l’une ou à l’autre de ces catégories...
A quarante deux ans, François Bauchet s’amuse à brouiller les pistes au fil d’un itinéraire qui ressemble étrangement à celui du furet de la chanson : “Il est passé par ici, il repassera par là…”.
Où situer Bauchet sur l’échiquier du design français ? Arty-designer, archi-designer, techno-designer… ?
Qu’importe la réalité tant il est vrai que Bauchet procède de tous ces genres sans appartenir à l’une ou à l’autre de ces catégories. Qu’il joue d’ailleurs, sur cet échiquier, avec les blancs ou les noirs, tout fait pièce. Ce sont, à l’évidence, beaucoup moins les pions ou les figures, les formes ou les surfaces qui comptent pour lui. Mais bien plutôt les stratégies, les situations, les déplacements…
Dans certains cas, la plasticité des choses prime. Dans d’autres, priorité est donnée à la structure, à la matière ou encore à l’inscription dans l’espace. Mais toujours se dégage la volonté de Bauchet d’une théâtralisation, d’une scénographie, d’une mise en perspective. Chacun de ses meubles et objets intervenant à la manière d’un paragraphe, d’une seule et même histoire, d’une narration ininterrompue et autrement plus complexe. Et un souci constant, développé avec virtuosité tout au long des 20 années écoulées, celui de faire corps, de faire masse. De rendre “physique”, de créer de l’épaisseur, de la présence, de la densité dans un monde où le virtuel semble vouloir tout s’approprier, tout absorber.
Les trois pièces qu’il présente aujourd’hui à la galerie Kreo, ses plus récentes créations, en témoignent abondamment.
D’abord, une table, très structurée, très architecturée, dont les pieds aux très légers redents, tout en affirmant l’échelle, le poids, la masse, en révèlent l’extrême mobilité.
Ensuite, une table basse monolithique, simple plateau au corps compact et clos, bloc gris et lisse et qui occupe l’espace à la manière d’une stèle tronquée.
Enfin, deux éléments merveilleusement simples, en forme de lettres, un “L” et un “T”. A l’aide de ces deux lettres, François Bauchet compose au gré du lieu ou du besoin, de l’humeur ou de l’envie, consoles et étagères, tables et banquettes… Deux lettres donc qui révèlent à l’évidence la dimension dialectique et réthorique du travail de François Bauchet.
A nouveau, s’expanse la narration, cette histoire ininterrompue dont d’une livraison à l’autre, Bauchet déroule le fil.
Avec cette fois-ci, une tonalité et un toucher particulier : une résine tendue en une gris sourd “plombeux”. Et avec, encore et toujours, ce sentiment de densité affirmée, contrebalancé par cette extrême simplicité et cette véritable liberté qui caractérisent au plus près toute l’œuvre de François Bauchet.
Soit l’antithèse même de l’enfermement.
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Gilles de Bure, novembre 2000