Pierre Charpin
L’œuvre de Pierre Charpin avance lentement mais sûrement avec des à-coups qui à chaque fois le font remarquer. Tout en étant absolument fonctionnels, ses objets (dans le sens le plus noble du terme) dégagent puissance et résistance, imaginaire et mystère...
Pierre Charpin
L’œuvre de Pierre Charpin avance lentement mais sûrement avec des à-coups qui à chaque fois le font remarquer. Tout en étant absolument fonctionnels, ses objets (dans le sens le plus noble du terme) dégagent puissance et résistance, imaginaire et mystère. Ce n’est pas leur faire injure que de dire d’eux qu’ils sont beaux comme une sculpture !
Charpin a fait ses classes autant à l’école des Beaux-Arts que dans sa fréquentation privilégiée du groupe Memphis. Ainsi le minimalisme d’un Carl André ou d’un Donald Judd affleure parfois dans la géométrie stricte de certaines de ses pièces. Mais le goût de la matière et de la couleur lui vient peut-être des troublions milanais.
1990 : Nestor Perkal le fait travailler pour le CRAFT de Limoges. Et il expose à la Galerie Post Design à Milan de meubles très en volumes, masses impénétrables et pourtant raffinées, constructions à la géométrie soulignée car surlignée. Ils étonnent tant ils sont compacts, et stables alors même qu’ils ont l’air en déséquilibre. Ces meubles s’imposent par leur présence sculpturale.
1995 : Le VIA le propulse sur le devant de la scène avec des étagères modulables qui s’offrent « en bloc », dont la forme apparaît comme engluée dans la matière, gommant ainsi les contours arrondis. Charpin s’intéresse au balancement des proportions, au jeu des épaisseurs et de l’équilibre. Et beaucoup au dessin.
1998 : Il entame la réalisation d’une série de neuf vases très colorés pour le CIRVA de Marseille.
2000 : Une année riche. La Galerie Kreo édite une lampe extraordinaire –un modèle du genre – d’une pureté monacale dont l’idée est celle d’une large feuille blanche légèrement repliée pour pouvoir se poser. Rien de plus simple, de plus astucieux, de plus poétique.
Il travaille aussi à Vallauris à une collection d’objets pour la table. Il joue en retrouvant la magie du monde enfantin, évident et surdimensionné. Edités par la Galerie Kreo, et fabriqués en collaboration avec le potier Jacques Bro, ces coupes, ces plateaux, ces vases sont tournés ou « découpés à la plaque ». Il joue et rejoue des surfaces émaillées et lisses et des terres chamottées rugueuses ainsi que sur le contraste des couleurs douces naturelles comme les gris, les divers verts, les bruns chauds… Il joue et rejoue surtout sur la dimension des rebords qu’il élargit et étale, ce qui transforme complètement la perception de ces objets. Ainsi le plat, au creux bien rond, ressemble, à cause de son large bord aplati, à un chapeau retourné. Le plateau est un plat sans rebord mais surélevé, formant une charmante petite table au plateau rouge…
Chez Pierre Charpin, humour et insolence sont empreints de la tendresse qui fait la poterie.
Elisabeth Vedrenne.
Septembre 2000.
Morrison milite depuis ses débuts pour l’épure. « Pour être efficace, il faut du détachement » disait Diderot. Morrison est détaché à sa manière. Pour prendre le plus de distance possible, il observe, analyse, comprend, fait décanter, filtre puis seulement ensuite imagine un concept. Ce n’est jamais la forme seule ou la fonction qui l’inspire. Il faut que tout vienne ensemble et naturellement. Que la présence de l’objet s’impose avec le sentiment d’avoir toujours existé dans notre patrimoine visuel, émergeant simplement de notre mémoire collective. Ces objets-là ont déjà fait leurs preuves et se sont donc déjà fait aimer. Morrison est à la fois décontracté et extrêmement rigoureux.
Il n’a donc aucun scrupule à redessiner quelque chose du « déjà vu » cher à nos archétypes familiers. Il nettoie, décape, et en simplifiant encore plus la forme de cette typologie déjà existante, il parvient à un « pur schéma », un dessin sec presque invisible, qui fuit tout effet ou originalité. Il est le designer du silence. Mais sa pseudo neutralité n’est pas si anodine que cela. C’est une neutralité qui s’humanise et disparaît lorsque l’on se sert de l’objet. Qui devient belle à l’usage, avec le temps, au quotidien. Morrison est très sensible à l’usage quotidien. Redessiner ne signifie donc pas pour lui nier, ou appauvrir, mais au contraire enrichir par un moins qui est un plus, ou par l’humour. Avec sa dernière chaise produite par Magis en 2000, moulée d’un seul tenant en propylène par injection à gaz, Morrison réinterprète et revisite l’idée même du design. Il en résume le principe même du mythe industriel et de ses avantages : production en série, en très grand nombre, à bas prix, empilable, très légère… Bref, la qualité à portée de tous.
A Vallauris, la conception du design industriel n’est pas de mise. Mais Morrison a néanmoins choisi un concept lié au design : celui de la série. De la déclinaison d’une forme. A partir d’une forme élémentaire, la colonne, qu’il fait grossir ou maigrir, grandir ou rapetisser, il crée une « famille » comprenant chandeliers, vases, coupes, compotiers, etc. L’autre série est faite de trois grands plats qui ne se comportent pas en assiettes plates ordinaires, mais en plateaux à assiettes intégrées. Ces assiettes donnent l’illusion d’être très concaves, creusées au point de ressembler à des « empreintes » d’assiettes, ce qu’elles sont aussi, puisqu’elles ont été moulées ! Elles sont donc multifonctionnelles et ironiques. Car qu’elles soient rondes ou rectangulaires, elles sont en plus décentrées au fond du plat. Toute la série de Vallauris, éditée par la Galerie kreo, est à la fois émouvante et drôle, élégante et pure dans sa blancheur émaillée, cachant une belle âme.